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Politique - Stefano D'Errico

ABSTRACT


La domination du socialisme étatique et autoritaire qui a immanquablement produit le capitalisme d’état dans tous les pays dans lesquels il s’est imposé ou la social-démocratie (majoritairement intégrée dans le système d’exploitation et partie prenante de la spoliation du Tiers Monde), ne pouvait que compromette la gauche à l’échelle planétaire. Le jacobinisme moderne, dominé par ce que Camille Berneri dénonçait déjà dans les années 30 comme mythe « ouvrier », a d’une part corroboré la croissance esclavagiste de l’industrialisme, la crise de l’environnement et le saccage sans discrimination des ressources. De l’autre il a quasiment imposé sa marque xénophobe contre les paysans (considérés comme des « réactionnaires » et des « petits bourgeois ») il a nié (comme le colonialisme) les cultures non étatiques qui ne succombaient pas aux lois de la production, considérées comme « détournées » par Marx lui-même. L’ethnocentrisme occidental a ainsi eu les mains libres pour imposer à l’échelle mondiale son propre modèle technologique, culturel et religieux comme une « marque de fabrique » et un système mercantile absolument apocalyptique en soi.
Le premier révisionnisme (autoritaire) a « dédouané » dans le mouvement des travailleurs le soi-disant « état prolétarien », c’est-à-dire la possibilité d’utiliser le principal véhicule du système d’exploitation (selon lequel ce ne serait pas les classes qui produisent l’état mais l’état lui-même qui leur donne naissance). Dans un but politique, tout cela a justifié l’utilisation inconsidérée de l’autonomie du parti (nouvelle classe dirigeante) de façon totalitaire. Avec tout le respect du à Lénine, le communisme autoritaire a imposé à des millions de personnes une « pensée unique » ante litteram basé sur l’absurdité d’un matérialisme soi-disant scientifique considéré (sur des bases idéalistes et déterministes) comme parfait et « invincible », tout en niant la méthode expérimentale et l’empiriocriticisme (libertaire et pluraliste par définition). Telles sont les racines de la raison d’état jacobine (du parti fait état) et de l’absurdité d’une (supposée) égalité que l’on pouvait conquérir en absence de liberté avec la dictature du (ou sur le) prolétariat. Et il y a là des similitudes avec l’avènement inévitable de cette autre « modernité » contournée, représentée par les totalitarismes de droite (tout autant étatiques) et par les apparentes démocraties blindées et consociatives. Ainsi les points de contact avec la pensée unique actuelle (néo-darwinisme social et revanche du capitalisme), imposés depuis l’écroulement du socialisme autoritaire a – dans l’imaginaire collectif d’une défaite « cosmique » - a trainé avec lui-même « l’irréprochable » socialisme libertaire. A cela on peut, en fait, seulement imputer un vice suprastructurel et dû à la propre idéologie : celui d’avoir jeté le bébé (la politique comprise comme autogouvernement du polis) avec l’eau du bain (la politique politicienne), en s’interdisant enfin d’exprimer en temps voulu et de façon adéquate cette critique radicale et de classes au capitalisme d’état pour laquelle est indispensable la base fondamentale des temps de Proudhon et Bakounine.
Aujourd’hui nous devons participer aux mouvements radicaux, progressistes et d’émancipation, en reconnaissant enfin la nécessaire et structurelle pluralité. Si nous voulons reprendre le chemin interrompu nous ne pouvons pas nous abandonner aux pièges subtils du révisionnisme historique, sans pour autant renier nos origines comme croient pouvoir le faire les fanatiques des « post » (postmoderne, post socialisme, post anarchisme). Ni adopter la religion du « neuvisme » (néo-socialisme, néo-anarchisme) pour sa nature trop hétérogène, chaotique et indéfinie.
Les mouvements (y compris les organisations syndicales de base qui adoptent une méthode libertaire et autogestionnaire) doivent reprendre leur autonomie vis-à-vis de la politique, niant jusqu’à la soi-disant « autonomie du politique ». Ils doivent sortir de leurs objectifs spécifiques et de leurs territoires pour construire un réseau de démocratie directe solidaire, associative et communautaire comme alternative au centralisme et à l’état, il est nécessaire, par-dessus tout, qu’ils apprennent honnêtement à subordonner la politique à l’éthique, parce que la fin ne justifie pas les moyens. Mais, dans le même temps, ils ne peuvent pas renoncer à assumer les responsabilités que tous ceux qui développent des actions sociales ont face à l’histoire. Ils doivent s’immuniser de la peur de se « compromettre » de ce que Bernini appelait la « phobie de la dégénérescence » ( et il disait cela comme jute critique du diktat omnipotent de l’abstentionnisme). Il faut éviter la confusion entre jugements de mérite et jugements de valeur, ou les pas tactiques érigés comme des principes (les mêmes principes devenant inamovibles, sédiments d’une orthodoxie intégriste). Pour autant qu’ils veuillent changer les choses, ils doivent écarter les particularismes et le subjectivisme et se doter d’une organisation et d’un programme collectif flexibles et toujours réformables.
Il faut retourner aux bases du socialisme humanitaire et libertaire, moralement intransigeant, mais tolérant et ouvert à l’expérimentation. Qui veut changer le monde doit accepter structurellement la nécessité du pluralisme et de la confrontation comme des éléments inaliénables. Il serait bon de se convaincre du fait que, s’il est juste de poursuivre la perfection, il n’existe pas de perfection absolue. L’idée même d’une société « transparente » est absolument totalitaire. L’idée du pouvoir doit se réduire au pouvoir faire. Ainsi sont ouvertement réfutées toutes formes de dictature évidente ou occulte. Le totalitarisme, sous quelque forme que ce soit, ne peut certainement pas construire la liberté ni même l’égalité. En aucun cas, même face au changement radical ou à la révolution, si cela se donne seul, et même si le phénomène est majoritaire (comme se fut le cas pour les anarchistes espagnols), la chose du « pour soi » ne peut se soustraire de la politique. Il faut donc garder à l’esprit que des alliances sont nécessaires, reconnaissant l’altérité des forces en présence et dessinant un projet gradualiste qui ne vienne pas contredire l’objectif ultime. En sachant préfigurer et coordonner les parcours communs à d’autres forces, sans aucun tabou sur la politique ni complexe d’infériorité ou fermeture sectaire. Il ne s’agit pas d’accepter le réformisme qui se contente d’ajuster l’existant, ni de s’abandonner à un maximalisme totalisant qui nie la nécessité d’une politique des petits pas. Pour terminer, la fin doit être conçue véritablement comme un (problématique) début : il n’y a pas de palingénésies sociales.

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